L’irréalité immédiate
2050 cm X 1050 cm
Crayons gris
"Un autre lieu maudit se trouvait à l’autre bout de la ville, entre les berges hautes et caverneuses de la rivière dans laquelle je me baignais avec mes camarades de jeux.
Le talus était effondré en un endroit. En haut, il y avait un moulin à huile, extraite des graines de tournesol. Les coquilles vides étaient jetées dans le creux du rivage et, avec le temps, le tas de déchets s’était accru au point de former une pente de graines desséchées allant du haut de la rive jusqu’au bord de l’eau. Mes camarades la descendaient pour aller dans l’eau, prudents, se tenant par la main, enfonçant profondément leurs pieds dans le tapis de pourriture.
Les parois de la haute rive, d’un côté et de l’autre de la pente, étaient abruptes et pleines d’irrégularités fantastiques. La pluie y avait sculpté de fines lézardes, enlacées comme des arabesques et hideuses comme des plaies mal cicatrisées. De véritables lambeaux dans une chair d’argile, blessures affreuses et béantes. Entre ces parois impressionnantes, je devais, moi aussi, descendre vers la rivière."
Max Blecher.